Contributeur(s) d’un changement de paradigme ?
L’objectif annoncé de la politique de santé des années à venir : permettre aux Français de recevoir « les bons soins par les bons professionnels dans les bonnes structures, au bon moment ». Cela, en bénéficiant d’un égal accès à la santé, de prises en charge lisibles, accessibles, complètes et de qualité, ainsi que d’une organisation sanitaire et sociale rationalisée et plus efficiente. Et surtout, satisfaire à la demande des patients et de leurs proches en faisant évoluer les soins et les services. En effet, la médecine de parcours amène à un changement de paradigme profond : l’adaptation de la prise en charge, des relations entre professionnels, des structures et des moyens autour des malades, de leur entourage et de leurs besoins… et non plus l’inverse.
Le constat de la performance de la démarche collaborative et du partage de l’information dans les services hospitaliers généraux est une réalité. L’accent est donc mis sur les échanges et la coordination entre l’hôpital et la ville. L’obligation de la production d’une lettre de liaison a destination médecin traitant en fin de séjour est l’une des mesures mises en œuvre.
Je m’interroge sur la réelle prise en compte de la spécificité des parcours de soins en santé mentale et de l’état des lieux dans cette annonce. Quelle réelle volonté et quels moyens pour la mise en œuvre d’une dynamique collaborative entre les différents acteurs.
Je viens contribuer à l’état des lieux en détaillant encore ici les conditions de nos parcours de vie et de soins :
Comment parler de lisibilité de la prise en charge quand l’évaluation de l’environnement du patient, de son mode de vie et de son entourage ne donne lieu à aucun échange avec les proches.
Comment parler d’orientation et de prise en charge de la « familiopathie » liée à l’alcoolisme du conjoint quand la démarche d’orientation et d’information de l’entourage par les professionnels se résume à cette phrase : « protégez- vous, protégez vos enfants » et ce alors même que des structures adaptées existent dans le secteur où ils exercent.
Comment parler de consentements éclairés des parties en l’absence d’un dialogue avec le conjoint concernant la sécurité de la vie quotidienne. Autrement formuler, comment des professionnels peuvent-ils maintenir le conjoint à l’écart et laisser une patiente et sa famille vivre dans l’insécurité la plus totale en se réfugiant derrière le secret médical.
Comment encore une fois, parler de lisibilité du parcours quand aucune information concernant le diagnostic, les échecs thérapeutiques et l’aggravation de la pathologie chronique n’est donné à l’entourage.
Est-il admissible de ne donner aucune information sur le traitement médicamenteux au conjoint, mais également au médecin traitant et aux autres professionnels soutiens de l’entourage alors qu’il est admis que le manque de lucidité, la compliance relative aux traitements et aux soins et le comportement suicidaire sont des risques majeurs de ces pathologies.
Peut-on parler de moyens adaptés quand en l’absence d’interlocuteur dédié j’ai finalement réussi à obtenir un rendez-vous pour signaler l’aggravation de la consommation de mon épouse pour m’entendre dire : « en l’absence d’urgences psy vous devez la convaincre de se présenter aux urgences ».
Mes multiples recours au 15 sont-ils les indicateurs de la volonté des professionnels à s’impliquer dans un fonctionnement collaboratif support nécessaire d’une médecine de parcours.
Mes recours obligés à l’hospitalisation à la demande d’un tiers et à l’obligation de soins ont été autant de situations traumatisantes qui n’ont jamais donné lieu à des rendez- vous conjoints pour en expliquer la nécessité, me laissant ainsi porter seul ce mauvais rôle de la contrainte et de la privation de liberté de mon épouse.
« A la fréquence ou nous prenons en charge votre femme je dois vous poser la question connaissez-vous le syndrome de korsakoff ». Cette phrase est-elle un dispositif d’annonce adapté de la médecine de parcours quand elle est prononcée par un médecin des urgences dans une salle d’attente.
« Votre femme à vu le psychologue, son éthylotest est négatif, l’établissement est couvert elle part ».Cette phrase a conclu mes échanges avec le personnel soignant de cet établissement de postcure à qui je faisais part de mon inquiétude de voir ma femme faire le trajet de 300 Km seule au volant dans ces circonstances .Cette procédure de départ immédiat en cas d’alcoolisation s’inscrit elle réellement dans une démarche de parcours sécurisé si les transmissions entre les établissements faisaient état de multiples alcoolisations aigues.
Je mesure encore mieux les moyens dont j’ai été privés, depuis que j’ai lu ceci : donner aux aidants la capacité d’anticipation des évènements du parcours et de l’évolution de la maladie c’est leur permettre d’être plus efficaces dans le soutien et l’accompagnement du parcours de soins.
Ma démarche personnelle de témoignage reste en soit une contribution isolée aux retombées insignifiantes.
J’entends de nombreuses voix dire que la situation s’aggrave par manque d’effectifs et de moyens et j’entends les soignants des EPSM faire ce constat : « nous n’avons plus le temps du soin nous ne faisons plus que de l’hébergement ».
Aux associations d’usagers, d’aidants, de professionnels, aux élus je pose cette question :
N’est-il pas temps pour nous de contribuer activement à cet état des lieux, à ce changement de paradigme.
Ou êtes-vous satisfaits d’avoir à donner ce pertinent conseil aux familles qui souhaitent s’impliquer pour venir en aide à leur proche malade :
Vous devez tenir compte du fait que les professionnels ont peu de temps à vous consacrer.